La pauvreté : le nouveau bouc émissaire

On aura beau en manipuler les chiffres ou en changer la définition, la pauvreté s’accroît toujours un peu plus chaque année. Chacun a son opinion sur le sujet, sur ses origines et bien évidemment sur les solutions à mettre en place pour l’éradiquer. Pendant ce temps, les personnes démunies essaient de se forger une identité entre la compassion des uns et le mépris des autres. En effet, le problème avec notre société, c’est qu’elle véhicule toute une série de stéréotypes sur les gens vivant dans la pauvreté et permet dès lors l’idée d’une classification en deux catégories de pauvres : les bons et les mauvais.

Ainsi, on regroupe souvent comme étant de bons pauvres tous les individus qui ont sombré dans la pauvreté sans que ce soit de leur faute : les personnes âgées, les handicapés – mentaux et/ou physiques –, les invalides et quelques autres encore. Par contre, tous les autres, tels que les assistés sociaux aptes au travail, les personnes dépressives, les alcooliques, les jeunes, etc. sont directement catégorisés comme de mauvais pauvres car, selon la croyance populaire, ils n’ont qu’à travailler s’ils veulent sans sortir. Ce sont ceux-ci que l’on taxe régulièrement de « de profiteurs du système » ou bien encore de « parasites ».

La population dite active entend souvent à travers les médias et via de nombreux discours politiques qu’elle entretient tous les assistés sociaux. C’est ainsi que les plus démunis ont été catalogués comme étant les boucs émissaires de ceux qui travaillent. A force d’entendre que c’est à cause des assistés sociaux que l’on paie plus d’impôts car il faut bien les faire vivre, les payeurs de taxes croient dur comme fer que leur existence serait tellement plus facile s’il n’y avait pas tous ces pauvres à entretenir. A force de répéter un mensonge, celui-ci finit par être perçu comme une vérité… Les politiques emploient celui-ci à tour de bras afin de consolider leur pouvoir mais surtout pour permettre aux plus aisés de continuer à augmenter leur richesse car les vrais profiteurs du système, ce sont eux, et ils emploient tous les stratagèmes pour éviter un renversement, par un vaste élan de solidarité, de la pyramide sociale.

Ainsi, l’un des aspects les plus révoltants de la pauvreté est l’acharnement avec lequel les nantis cherchent à maintenir les pauvres dans la misère en les empêchant d’améliorer leur condition de vie. Le coût de la vie augmente mais, en même temps, l’accès à l’emploi est rendu difficile pour beaucoup de pauvres de par des critères de plus en plus élevés. C’est comme si les démunis étaient au fond de l’océan ; chaque fois que l’un d’entre eux parvient à se sortir la tête de l’eau pour respirer, les politiques lui assènent un grand coup de massue pour le faire couler à nouveau.

Les préjugés à propos des assistés sociaux, qui vivent soi-disant la belle vie à ne rien faire, datent probablement de l’époque où il était possible de survivre aisément avec l’aide sociale. Aujourd’hui, pour beaucoup de démunis, il faut avoir recours aux banques alimentaires pour manger, payer des sommes folles pour des logements souvent insalubres, renoncer à tout loisir et à toute distraction,… Bref, ne plus vivre dans la dignité. Arrêtons d’appuyer notre existence sur des stéréotypes et tentons plutôt de créer une société humaine et solidaire. Il est grand temps de remettre à jour notre perception de la pauvreté et des démunis mais aussi de renouer avec la solidarité pour lutter ensemble contre un système qui exclut de plus en plus de monde, car après tout, nous pourrions, nous aussi, nous retrouver un jour parmi eux…


« Les préjugés occupent une partie de l’esprit et en infectent tout le reste. »

Nicolas Malebranche, extrait De la recherche de la vérité, 1674





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